Piano Emmental

8 Avr 2020

Photo Fly de Latour

PIANO EMMENTAL

Piano peint
Collection commune Gino di Maggio

 

« Détrompe-l’œil »

 

En 1989 Daniel Spoerri détourne un piano sur lequel il réalise un « détrompe-l’œil » (terme qu’il a créé) pour en faire un fromage. Autre chose qu’un piano.
Un bloc d’emmental à gros trous ce qui le différencie du gruyère à petits trous.

Si Daniel Spoerri est suisse il est surtout connu pour être membre fondateur des Nouveaux Réalistes plus que promoteur de fromage à pâte pressée cuite dans la vallée de l’Emme.
Il est fondateur du eat-art.
Ceci suffirait à expliquer cela si l’on ne prenait en compte le fait qu’une de ses œuvres fut autrefois dévorée par des souris. À leur décharge cette œuvre était comestible. Elle faisait partie des « tableaux-pièges » qui sont une spécificité du travail de Spoerri autour de la nourriture. Pièges à souris parfois.

Pour rester dans la métaphore et revenir au Piano Emmental l’artiste indique que le pianiste doit porter un costume de Mickey Mouse.
Ainsi fut fait le 27 février dernier pour fêter (avec un mois d’anticipation ! Ouf !) les 90 ans de Spoerri aux Abattoirs à Toulouse.
Fromage souris et spectateurs réunis en une sorte de banquet évoquant ceux autour desquels Daniel Spoerri a construit une œuvre festive et iconoclaste.

 

Banqu(Ar)t

 

Un des festins-performance resté dans l’histoire de l’art à plus d’un titre fut le « Déjeuner sous l’herbe ». Référence au « Déjeuner sur l’herbe » peint par Edouard Manet en 1863 qui représentant un pique-nique champêtre dit « Partie Carrée » scandalisa la société bourgeoise tout en marquant un virage déterminant dans l’histoire de la peinture.
Le 23 avril 1983 quatre-vingt ans plus tard le déjeuner de Spoerri rassemblait plus de 100 convives membres éminents du paysage artistique de l’époque. Table couverts et reliefs furent ensuite ensevelis par 40 mètres de fond dans le parc du domaine de Montcel à Jouy en Josas. Enterrement fortement symbolique. En 2010 sous la direction de l’anthropologue Bernard Müller des chercheurs ont entrepris les premières fouilles archéologiques de l’art contemporain. Résurrection. Réactivation des questionnements sur l’Art et l’Archéologie (cf publications de Jean Paul Demoule).

 

Plus tard quand d’autres archéologues exhumeront les restes du Piano Emmental et d’une défroque de Mickey quelles seront leurs interrogations ?

 

Daniel Spoerri et ses amis de Fluxus se sont évertués à brouiller le statut de l’art et de ses productions. Ils ont focalisé sur le piano contestation et irrévérence. De ce fait ils l’ont désacralisé et sorti des salons bourgeois. Les Nouveaux Réalistes les ont suivi.
Sans doute pour y arriver fallait-il réduire le Piano en miette. L’affronter. Le transformer.

Les précurseurs (Ben les appelle Les Grands Parents) se sont manifestés très tôt : à la fin des années 30 John Cage invente le Piano Préparé précédé sur cette voie au delà du clavier par son ainé et grand innovateur Henry Cowell. Dans « Aeolian Harp » en 1923 il expérimentait le String Piano méthode de son invention qui consiste à intervenir sur les cordes à l’intérieur du piano.
Ils ont ouvert les pianos, Ils les ont autopsié et leur ont redonné une vigueur nouvelle …
Ils ont ouvert la voie.

 

Daniel Spoerri

 

Il est né en 1930 en Roumanie dans une famille juive. Son père Isaak Feinstein est assassiné lors du pogrom de Lasi en 1941. Le jeune Spoerri s’exile en Suisse dont il prend la nationalité et part vivre dans sa famille maternelle dont il prend le nom.
Il sera premier danseur à l’opéra de Vienne puis metteur en scène au Landestheater de Darmstadt. Il fonde une revue de poésie concrète Material. En 1959 il s’installe à Paris et crée les éditions MAT Multiplication d’Art Transformable dont il expose des pièces à la galerie Edouard Loeb.

 

Collectionneur de tout

 

Il se dit « collectionneur de tout ». Depuis l’objet glané aux Puces jusqu’aux recettes de cuisine en passant par les objets cultuels africains. Il invente les « tableaux-piéges » les «  Détrompes-l’oeil ». Avec Robert Filliou il crée les « Pièges à mots ».
Fin cuisinier il ouvre un restaurant et une eat-art galerie. La nourriture sous toutes ses formes est un des thèmes majeurs de son œuvre. Cuisiner manger et récupérer les restes tout peut faire œuvre. Il met la table à la verticale pour en faire tableau.
Il rejoins les Nouveaux Réalistes et les membres de Fluxus avec lesquels il revendique le non-art. Le refus de la créativité de l’intentionnalité et du bon goût.
L’amitié tient une place importante dans sa vie. D’Aragon à Topor, de Tinguely à Siné, de Daniel Cordier à André Thomkins, de Robert Filliou à Dino di Maggio. Toute sa vie.

Daniel Spoerri a traversé les avant-gardes du XX° siècle et les conflits qui ont bouleversé l’Europe. Il a vécu en Suisse en Autriche en Allemagne en France pour enfin se poser en Toscane. Il n’a jamais cessé d’inventer. Collectionner les objets. Rassembler les amis.
Son Giardino est une fondation et un jardin de sculptures.

FLY de LATOUR le 8 avril 2020 jour de la St Gautier

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